Versailles, le Potager du roi

Publié le : 01/06/2021 17:55:31
Catégories : Le patrimoine gastronomique de France par région

Le Potager du Roi a été construit entre 1678 et 1683 par Jean-Baptiste La Quintinie, à la demande de Louis XIV. Ouvert au public depuis 1991, c'est le site historique de l'École nationale supérieure de paysage.

Classé monument historique et jardin remarquable, ses jardiniers perpétuent l'art de la taille et cultivent une grande diversité de fruits et légumes dans un jardin à la Française. Découvrons ensemble l'histoire du potager créé pour nourrir le roi et sa cour.

Un créateur de génie

Né en 1626, Jean-Baptiste de la Quintinie fait ses études au collège des Jésuites de Poitiers puis à la faculté de droit de la même ville. Il part ensuite à la capitale où il est reçu avocat au Parlement de Paris. Ses talents littéraires le font remarquer par Jean Tambonneau, président de la Chambre des Comptes, qui lui confie l’éducation de son fils unique Michel-Antoine. Lors d’un voyage en Italie avec ce dernier, il découvre les jardins romains et se prend de passion pour l’horticulture. Il décide alors de se lancer dans le jardinage et renonce à son métier d'avocat. Il peut s’exercer dans les jardins de l’Hôtel Tambonneau qui sont mis à sa disposition pour des expériences horticoles. Les connaissances ainsi acquises lui permettent de travailler pour de grands personnages : pour Condé à Chantilly, pour Colbert à Sceaux, pour Mademoiselle de Montpensier à Choisy, et surtout pour Nicolas Fouquet, alors surintendant des Finances, au Domaine de Vaux-le-Vicomte.

Le 5 septembre 1661, Nicolas Fouquet est arrêté sur ordre de Louis XIV pour malversations. Après cette disgrâce orchestrée par Colbert, La Quintinie passe au service de Louis XIV aux côtés de Louis Le Vau, architecte de Versailles et d’André Le Nôtre, jardinier du roi. Il est chargé d’établir des potagers qui alimentent la table du roi en fruits et en légumes. Ainsi, il consacre une série de travaux aux espèces végétales, à leur acclimatation et aux soins qu’elles nécessitent.

En 1670, il intègre la Maison civile du roi placée sous l’autorité de Jean-Baptiste Colbert alors secrétaire d'État de la Maison du Roi, avec l’obtention d’un titre spécialement créé pour lui : Directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales.

Château de Versailles
Vue aérienne du potager du roi
Allée des vignes

Naissance du Potager du roi

En 1678, La Quintinie entreprend à la demande de Louis XIV la création d'un nouveau potager qui le rend plus célèbre encore : le potager du roi.

A cette époque, Versailles est un vaste chantier. Il faut bâtir le château, le parc, la ville, mais aussi des installations pour l’approvisionnement en eau, en produits frais… Louis XIV est un grand amateur de petits pois mais aussi d’asperges, de figues de poires et de fraises. Il s’en fait envoyer par paniers quand il est en campagne. La Quintinie se voit ainsi confier le potager de Louis XIII, situé près du château. Celui-ci devient vite insuffisant. La Quintinie souhaite installer un nouveau potager sur les bonnes terres de Clagny mais le roi le veut proche du château pour pouvoir le visiter facilement. On choisit le site de « l’étang puant », une zone marécageuse qu’il faut drainer.

La création de l’actuel Potager du roi nécessite un million de livres, cinq ans et le travail de milliers d’hommes. Le terrain est comblé avec les terres retirées pour creuser la pièce d’eau des Suisses. Il est divisé en plusieurs sections :

le Grand Carré au milieu (un bassin central et seize carrés de légumes)

vingt-neuf jardins clos : les Onze (vergers), la figuerie, la melonnière, la prunelaie…

Des fruits et des légumes en toutes saisons

La Quintinie utilise des techniques culturales pour produire hors saison : des fraises fin mars, des pois en avril, des figues en juin, des asperges et des laitues pommées en décembre... Pour cela, il rassemble des dizaines de variétés différentes pour disposer des meilleures possibles. Il prise particulièrement la Bon Chrétien d’hiver, une poire qui est envoyée comme cadeau aux amis du roi. Il apprécie les poires bien plus que les pommes. Pour les figues, il construit une figuerie sur le modèle de l’Orangerie voisine : les arbres en caisse sont rentrés dans une serre pour la mauvaise saison.

Les arbres fruitiers sont conduits en espaliers en forme d’éventail le long des murs, pour profiter d’une bonne exposition au soleil. La Quintinie invente même des modèles de serpette et de scie à main pour tailler les arbres et greffer (implanter dans les tissus d'une plante nommée « porte-greffe », un bourgeon ou un fragment quelconque nommé « greffon », prélevé sur une autre plante ou de la même plante pour que celui-ci continue à croître en faisant corps avec la première).

Les légumes sont conduits sous cloche ou sous abri de verre pour capter la lumière solaire.

Les plantations bénéficient d’engrais frais venu des écuries royales. Le terrain a été drainé et est alimenté en eau par pompage depuis la plaine de Satory.

Figue
Poires
Asperges

Une valorisation des produits de la terre

Le Potager du roi fournit chaque année plusieurs tonnes de fruits et légumes pour le service de la Bouche (la table du roi). Les contemporains comme Charles Perrault ne tarissent pas d’éloges. La Quintinie est anobli en 1687. Le roi lui-même visite régulièrement le Potager et y apprend à tailler les arbres fruitiers. Il ne dédaigne pas de le faire visiter à ses hôtes comme le doge ou l’ambassadeur du Siam. Le Potager est en effet un lieu d’expérimentation horticole dans le domaine des primeurs et de la taille des arbres.

La mort de La Quintinie affecte le souverain qui déclare à sa veuve : "Madame, nous avons fait une grande perte que nous ne pourrons jamais réparer".

Toute sa vie, La Quintinie tient un carnet de ses observations journalières qu’il compte faire publier. La mort l’en empêche mais son fils Michel édite les papiers de son père en 1690 sous le titre d’"Instruction pour les jardins fruitiers et potagers" dédié au roi.

Le créateur et le commanditaire du Potager du roi sont indissociables. Leur influence est majeure dans les domaines de l’horticulture et de la gastronomie. En effet, jusque-là, les légumes étaient considérés comme des aliments pour le peuple, poussant au niveau de la terre ou, pire, dans la terre, contrairement aux fruits croissant en hauteur, plus proches de Dieu. Cette pensée encore médiévale va être balayée par le goût d’un souverain. Il devient de bon ton de consommer des fruits et des légumes, de les faire pousser et de les collectionner, tant en France qu’en Europe.

Désormais les asperges ou les petits pois si chers au cœur du Roi Soleil auront pour vous une saveur particulière : celle de quelques hectares de terre versaillaise et d'une collaboration de génie entre un souverain et son jardinier surdoué. Les beaux jours sont là !

Portail Château de Versailles
Potager du roi
Potager du roi Grand carré

Découvrez sans plus tarder le Potager du roi du mardi au dimanche de 10 h 00 à 18 h 00.

Plus d'information sur http://www.potager-du-roi.fr/site/pot_visites/

A bientôt sur la Route des Gourmets !